Chercher un sens à sa vie : le meilleur moyen de s’empêcher de vivre

Amandine Clery
10 min readApr 13, 2021

Trouver un sens à sa vie : c’est sur toutes les lèvres depuis plusieurs années, maintenant. C’est la nouvelle mesure de la réussite. Et si, finalement, ça ne voulait rien dire ?

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Parler de sens n’a pas de sens

Vous vous êtes certainement déjà sentis un peu perdus. D’un coup, comme ça, en pleine journée, tout se met en pause et vous vous trouvez comme en dehors de votre propre corps. Vous faites un rapide état des lieux de votre vie et ça vous donne le vertige.

“Est-ce que je suis heureux ? Pourquoi est-ce que je me donne tout ce mal ? À quoi ça sert, dans le fond ? Est-ce que mon travail / mes études / *insérer la mention utile* a encore un sens ?”

Et enfin :

“Où est-ce que ça mène, toute cette merde ?”

Oui oui, “cette merde”. Parce que même si vous n’êtes pas malheureux et pas à plaindre, même si tout va relativement bien, que vous êtes privilégié, vous êtes perdu. Vous en avez marre.

Vous pensiez qu’à cet âge, à cette période de votre vie, vous seriez quelqu’un d’autre. Que vous auriez accompli plus de choses. Même si vous avez réalisé des choses que vous n’auriez jamais imaginées, vous ne vous sentez pas à la hauteur de vos attentes.

Il y a plusieurs manières de penser le sens de la vie :

  • Où va-t-elle ?
  • Que signifie-t-elle ?
  • Que vaut-elle ?
  • D’où vient-elle ?

L’idée que notre vie doit absolument avoir un sens pour être heureux fait appel aux trois premières questions.

Et elles ont toutes un point commun :

La réponse est dans le futur.

On ne donne pas de sens à sa vie : on vit et, éventuellement, un sens apparaîtra

Vouloir trouver un sens à sa vie avant même de l’avoir vécue, ça revient à vouloir prédire l’avenir.

Pour que quelque chose ait du sens, il faut déjà qu’elle existe.

Or, c’est le temps qui fait notre vie. C’est la succession des événements et des expériences qui la composent. Évidemment que nous avons un rôle à jouer dans la direction qu’elle prend ; mais nous devons changer de perspective. De point de vue.

On ne donne pas du sens à notre vie a priori (au sens philosophique du terme, c’est-à-dire avant d’en avoir fait l’expérience). Notre vie, ce n’est pas un produit qu’on créé pour qu’il remplisse un objectif ultime. On ne peut pas décider entièrement à l’avance à quoi elle va servir ou ce qu’on en fera dans 10 ou 20 ans.

Il faut retirer notre volonté de l’équation.

La vie se fait. Le temps passe. Des choses arrivent. Et après, seulement, on donnera à tout ça le sens qu’on voudra.

Arrêtez de croire que vous avez le contrôle

Il est urgent de se rappeler que nous n’avons pas entièrement le contrôle.

Regardez qui vous êtes aujourd’hui. Ce que vous faites. Qui vous aimez. Où vous vivez. Est-ce que c’est la réalisation exacte de ce que vous aviez imaginé pour vous ? Êtes-vous le produit de votre seule volonté ? Est-ce que vous êtes exactement là où la version antérieure de vous même le voulait ?

Vous savez quel est le problème de cette illusion qu’on a le contrôle ? En fait, il y en a des dizaines. Mais je vais vous en citer 3 :

1 — On se met trop de pression inutilement

Nos actes déterminent la suite de notre vie, c’est vrai. Et c’est pour ça qu’on y réfléchit à deux fois avant de prendre une décision. Mais ce qu’on oublie systématiquement, c’est qu’on ne connaît pas et on ne peut pas prévoir les conséquences de nos actes. Oublier ça, ça nous empêche de lâcher prise.

Il y a 4 ans, j’ai commencé à écrire un roman. Juste comme ça, pour moi. Pour m’amuser. Pour voir ce que ça ferait que d’écrire une histoire. Vraiment, de toutes les choses que j’ai faites récemment dans ma vie, c’est bien la seule que j’ai démarrée sans réfléchir. Sans y croire. Sans y mettre aucune attente. Aujourd’hui, les deux seuls romans que j’ai écrits sont sous contrat d’édition. Et tout s’est joué là, dans les 5 derniers mois. (Inutile de chercher, j’ai écrit sous pseudonyme et je ne révèlerai mon nom d’auteure que sous la torture.)

Aujourd’hui, j’envisage de gagner ma vie en étant écrivain. Il y a 4 ans, ça ne m’avait même pas traversé l’esprit.

2 — On se sacrifie

On se sacrifie, sois disant, “au nom de l’avenir”. On choisit la sécurité : l’emploi moins excitant mais plus stable, le projet facile plutôt que le rêve. Le garçon qui nous fera des enfants mais qui nous rendra malheureuse. L’abandon d’un projet créatif, parce que trop chronophage, trop énergivore et trop incertain ; pour finalement passer son temps libre à scroller les réseaux sociaux et rester en CDI à trimer pour réaliser le rêve d’un autre.

Souvent, on choisit l’inaction plutôt que l’action. La facilité plutôt que le défi.

Et c’est quoi, le sens de tout ça ?

À vouloir donner un sens aujourd’hui à notre vie de demain, on s’interdit de prendre des risques. Parce qu’on veut anticiper. On croit pouvoir anticiper. Mais à vouloir “s’assurer un avenir”, on se prive d’opportunités. On se prive d’obtenir ce qu’on veut vraiment.

Au nom de l’avenir…

Ironique, hein ?

3 — On oublie qu’on a le temps

On a le temps de vivre.

On a le temps de se planter.

Et on ne peut pas tout décider ici, maintenant. On ne porte pas la responsabilité totale de notre avenir. Et les choix que l’on fait aujourd’hui ne produiront pas nécessairement les effets escomptés.

On a le temps d’essayer des choses et d’échouer.

D’agir sans savoir pourquoi, et de le découvrir plus tard.

On a le temps de progresser. D’apprendre. On a le temps de s’écouter.

Se barricader l’esprit pour s’en tenir à l’itinéraire qu’on avait prévu, c’est se fermer à des milliers d’opportunités. Ne pas s’autoriser à suivre son cœur, ses pulsions, ses envies, ce n’est pas être raisonnable : c’est vivre dans l’illusion qu’on a le contrôle. Et c’est passer à côté de ce qui compte vraiment : se réaliser, en réalisant ses rêves.

Voyez plus loin

Je vais faire le Chemin de Compostelle dans quelques semaines. Avec le covid, le confinement, l’incertitude de la fermeture ou non des frontières, il y a toujours une part de moi qui doute que ça se produise. Mais je suis censée m’entraîner, en attendant.

Or je n’aime pas marcher sur les mêmes chemins tous les jours. Répéter la même boucle, revenir toujours au même point de départ, voir défiler les mêmes paysages, savoir ce qui m’attend… Vraiment, ça me gonfle.

Mais avec le confinement, je n’ai pas d’autre choix. Alors je ne marche presque pas. Parce que ça ne m’apporte pas de satisfaction immédiate : la forme physique, l’impression d’avancer. Parce que ce n’est pas Compostelle. Ce n’est pas l’objectif ultime.

Surtout, ça ne me garantit pas l’objectif ultime.

Sauf que ça va vraiment se faire. Je le sais, je vais y aller, je vais marcher 1 600 km. Et je vais me retrouver là-dessus sans m’être correctement préparée, alors que je sais que je pourrais empêcher ça si je m’y mettais avec plus de rigueur.

Vous voyez où je veux en venir ?

J’en ai une autre dans le même esprit.

Après des années d’hésitations et de doutes sur ce que je voulais faire de ma vie, j’ai compris que je voulais écrire. Des romans, des articles…

Pourtant, depuis des mois, je n’écris presque pas. À la place, je passe des heures à me prendre la tête sur les moyens que je pourrais mettre en place pour parvenir à mes objectifs : gagner ma vie en écrivant. Je réfléchis à me mettre à mon compte, à reprendre des études, à créer mon média indépendant, à me former en rédaction web, à me faire un programme de formation en journalisme…

C’est tellement absurde, quand je l’écris. Parce que la solution est tellement évidente.

Le meilleur moyen que je peux mettre en place pour gagner ma vie en écrivant ? Ecrire ! C’est par là que je dois commencer !

Tout est une question de temporalité

Ce n’est pas parce que je suis allée marcher aujourd’hui (et je l’ai vraiment fait) que j’ai le sentiment d’être mieux préparée pour Compostelle. Ce n’est pas parce que j’écris cet article maintenant que j’ai tout à coup confiance dans le fait qu’un jour, je pourrai vivre de ma plume.

Et pourtant…

S’il y a bien une certitude au sujet de tout ça, c’est que ne pas faire ces choses là m’empêcherait assurément d’atteindre mes objectifs.

Remplacez vos peurs, vos doutes, vos questionnements et votre besoin d’assurances par l’action. Chaque petit acte est une graine semée.

Si j’avais passé 6 mois de plus à réfléchir à comment gagner ma vie en écrivant au lieu d’écrire, j’aurais repoussé de 6 mois la potentielle réalisation de cet objectif. Et j’ai déjà perdu beaucoup trop de temps.

Ne cherchez plus le sens de votre vie. Ça n’a aucun sens de vouloir lui en donner un. Ce qui a du sens, là, maintenant, c’est d’agir.

De faire un pas de plus dans la direction de vos rêves.

Vous ne pouvez pas avoir la certitude qu’ils se réaliseront. Mais en ne faisant rien, vous pouvez être certain qu’ils ne se réaliseront pas.

Arrêtez de réfléchir et lancez vous

Ça peut sembler paradoxal, tout ça. D’un côté, on doit cesser de vouloir anticiper. De l’autre, on doit commencer à agir dès aujourd’hui pour espérer réaliser nos rêves dans un futur incertain.

Alors laissez-moi synthétiser :

Je ne vous dis pas de ne pas miser sur l’avenir.

Ce que je vous dis, c’est que vous ne pouvez pas décider à l’avance du meilleur chemin à emprunter pour arriver là où vous le souhaitez. Parce que quand il s’agit de la vie, Google Maps n’existe pas. Il n’y a pas de plan de route.

Et quand on n’a aucune certitude de la route, on a tendance à ne pas partir.

Ce que je vous dis, c’est de partir quand même.

Arrêtez de vouloir absolument savoir ce qui vous attend. Quoique vous fassiez, vous ne le saurez jamais. Arrêtez de vouloir aller vite, arrêtez de vous sacrifier. Et arrêtez de vous mettre en sécurité avant même de vous être mis en danger.

Si vous êtes perdus et que vous avez l’impression que votre vie n’a pas de sens, c’est que vous ne vous êtes pas mis sur le chemin de ce qui vous anime vraiment. C’est que vous n’avez pas commencé à mettre en place les actions qui pourraient vous permettre de réaliser cette vision idéalisée de vous-même que vous avez à l’instant où vous lisez ces lignes.

Et même si rien ni personne ne peut vous garantir que vous arriverez à destination, soyez sûrs que vous arriverez quelque part quoiqu’il arrive. Quelque part de chouette. Dans une vie remplie d’expériences, dans une vie pleine de choses que vous aimez. Dans une vie pleine de sens.

La règle des trois ans

Rome ne s’est pas construite en un jour.

Souriez, souriez. On voudrait tous que nos rêves se réalisent d’un claquement de doigt, et que décider de s’y consacrer suffise. C’est généralement là que beaucoup abandonnent : la décision est prise (et elle n’a pas été facile à prendre), ils se lancent. Monsieur X créé sa chaîne YouTube, il a investi dans du bon matériel, il a lu tout un tas d’articles comparatifs pour que tout soit parfait. Il sort huit vidéos en deux mois. Ça ne décolle pas. Il se décourage, il abandonne.

Vous savez que ce n’’est jamais aussi simple que ça. Ce n’est pas parce qu’il est mauvais que ça n’a pas décollé.

C’est parce qu’il ne suffit pas de s’y consacrer, il ne suffit pas de se lancer.

Il faut persévérer. Il faut tenir sur la durée. Une durée pendant laquelle l’incertitude persiste. Des mois et des mois durant lesquels on n’a pas l’assurance que ça va marcher.

C’est là que la règle des trois ans de Matt d’Avella entre en jeu. Pour chaque projet que l’on souhaite accomplir, il propose de s’accorder au minimum trois ans. Trois ans d’investissement et d’engagement sans abandonner, quoiqu’il arrive (et en particulier si rien ne se passe).

C’est le minimum syndical pour se donner une véritable chance de réussir.

On ne développe pas une compétence en deux semaines. On ne produit pas suffisamment de contenu de qualité en six mois, même en un an. Et on ne devient pas un spécialiste dans son domaine en deux ans. Tout ça prend du temps.

Mais c’est faisable.

Encore faut-il s’y mettre.

Le piège de l’introspection

Si je devais résumer [ma vie avec vous, aujourd’hui, ce serait avant tout des rencontres…] le problème, en quelques lignes, pour que vous sortiez de cette lecture avec une idée claire, ce serait les suivant :

Cette idée qu’il nous revient de donner du sens à votre vie créé l’illusion qu’on a le contrôle de ce qui va advenir. Comme si nous devions, dans notre vingtaine, trouver la bonne voie à suivre pour vivre une vie épanouissante et riche de sens ; et qu’une fois cette voie trouvée, il n’y avait plus qu’à.

Ca ne marche pas comme ça. Et le résultat, le voilà : on passe ce précieux temps à réfléchir, à imaginer les avenirs qui s’offrent à nous, à anticiper les différents scénarios qui pourraient se produire si on prenait telle ou telle décision. On se raconte des histoires qui nous font peur et qui nous poussent à choisir la voie la plus “sûre”, la plus “sécurisée”.

On vit dans notre tête au lieu de vivre dans le monde.

Voilà ce qu’on fait, quand on veut trouver un sens à sa vie.

Commencez donc à vivre au lieu de réfléchir. Vous déciderez du sens que vous voulez donner à tout ça quand vous serez trop vieux pour profiter.

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